Lorsqu’un salarié a signé une convention dans un contexte de harcèlement moral avéré, cela est-il suffisant pour entraîner automatiquement la nullité de la convention de rupture ?
Rappelons, au préalable, que toute rupture du contrat intervenue en violation des dispositions protectrices sur le harcèlement moral est nulle selon les dispositions de l’article L 1152-3 du code du travail.
Cela a pu conduire la cour d’ appel de Bastia à considérer qu’un salarié pouvait obtenir l’annulation de la convention de rupture signée dans un contexte de harcèlement moral sans avoir à prouver un vice du consentement.
Toutefois, saisie de ce même dossier, la cour de cassation dans un arrêt récent (23 janvier 2019) a une autre analyse : les juges ont considéré dans cette affaire « qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L 1237–11 du code du travail ».
Il faut donc déduire de cette jurisprudence qu’un harcèlement moral avéré ne suffit pas à invalider la convention de rupture signée dans un tel contexte car il ne caractérise pas automatiquement un vice du consentement.
Dans pareille hypothèse le salarié devra démontrer que cette situation de harcèlement a exercé sur lui une contrainte sans laquelle il n’aurait jamais consenti à cette rupture.
Pour ce faire le salarié devra apporter ,notamment, aux juges des éléments permettant de caractériser une violence morale, vice du consentement le plus à même de résulter de la situation de harcèlement.
Cette démonstration pourra consister, ainsi, à démontrer que le salarié était placé dans un état de fragilité psychologique tel qu’il pouvait penser n’avoir d’autre choix que d’accepter la rupture de son contrat de travail pour mettre fin à une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait.
Cette démonstration a pu être apportée, d’ailleurs, par une salariée qui s’était trouvée dans une situation de violence morale du fait du harcèlement qu’elle subissait.
Quels étaient les faits ?
Une secrétaire comptable reçoit un avertissement le 16.05.2008.
Après avoir été en arrêt de travail pour maladie du 21 mai 2008 au 4 juin 2008, puis du 21 juin 2008 au 15 septembre 2008, le médecin du travail l’a déclarée apte à la reprise de son poste de travail le 16 septembre 2008.
que le même jour, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui a été homologuée par le directeur départemental du travail et de l’emploi le 6 octobre suivant.
Qu’estimant avoir été victime de harcèlement moral et contestant la rupture, la salariée a saisi la juridiction prud’homale.
Cette salariée va obtenir gain de cause devant la Cour d’appel, mais aussi, devant la Cour de Cassation.
Extraits de cette décision rendue le 30.01.2013 (N° de pourvoi: 11-22332)
« Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’annuler l’acte de rupture conventionnelle du 16 septembre 2008 et de décider que la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que seule la menace de l’emploi d’une voie de droit abusive constitue une violence ; qu’en se fondant sur-la circonstance que l’employeur, par lettre du 9 septembre 2008, faisait état de ce que les parties avaient envisagé de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail-la remise le 5 septembre 2008 à la salariée des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail portant sur la rupture conventionnelle, qui mettaient en évidence une simple proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail avec communication des textes la régissant, insusceptibles de caractériser une violence, la cour d’appel a privé sa décision de base légal au regard de l’article 1112 du code civil ;
2°/ que la validité du consentement doit être appréciée au moment même de la formation du contrat ; qu’en appréciant la validité du consentement de Mme X… pour signer une rupture conventionnelle le 16 septembre 2008, au regard d’un certificat établi le 29 août 2008, jours ayant précédé la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle, d’une psychologue ayant noté au niveau psychologique chez la patiente une blessure narcissique, une estime en soi paraissant fortement atteinte et des sentiments de doutes, d’humiliation et d’angoisses encore très présents et soulignant « de mon point de vue, la rupture du contrat semble s’imposer comme la seule issue possible. Elle semble nécessaire pour le travail de reconstruction identitaire et pour permettre à cette dame de se libérer de l’entreprise de son employeur et conséquemment pour l’aider à se projeter dans un nouvel avenir professionnel », cependant que le 16 septembre 2008, jour même de la signature de la convention litigieuse, le médecin du travail avait, loin de décider que la salariée était inapte à reprendre son poste avec un danger immédiat, l’avait déclaré apte sans réserve à le reprendre, la cour d’appel a violé l’article 1112 du code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a souverainement estimé que la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi »